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Les farcis, à la française ou chinoise ?

Du soleil, une légère brise, et un petit chat qui marche tranquillement sur son territoire le long de la piscine… Du côté jardin de la maison, Jacqueline est en train de mettre la table, en sortant les assiettes colorées décorées d’olives ; alors que mon père ouvre le store afin d’abriter la table. Jean-Michel et ma mère sont dans la cuisine pour finaliser deux versions différentes de farcis, l’une est française et l’autre chinoise.


Nous sommes chez les parents de Nathalie dans le sud-ouest de la France. Avec Nathalie, notre amitié remonte lorsque nous allions au lycée, elle en France, moi en Chine. Nos parents, quant à eux, se sont rencontrés pour la première fois en Chine en 2008 chez les miens. S’étant rapidement sympathisés, les deux français ne parlant pas chinois et les deux chinois ne parlant pas français sont même allés au marché tous les quatre. Preuve que la maîtrise de la langue n’est pas nécessaire quand il s’agit de bonnes choses, même si les légumes et fruits y étaient typiquement chinois et la viande et surtout les poissons étaient présentés de façon différente. Plus tard, chaque fois que mes parents allaient en France, une visite chez les parents de Nathalie est devenue notre rituel pour se retrouver tous ensemble.


A travers toutes ces années d’amitié, mes parents ont ainsi découvert la cuisine française et bien sûr toujours accompagnée de moments conviviaux en famille – il n’y a pas de meilleure façon de rencontrer une autre culture culinaire. Les légumes farcis étaient parmi leurs plats favoris. Après tout, qui n’aime pas les petits farcis ? Un plat de cuisine familiale par excellence, d’un foyer à l’autre, les farcis varient en forme et goût. Un peu comme les pâtes italiennes, les meilleurs farcis sont ceux de chaque famille.


Sur une assiette, une tomate farcie tout juste de sortir du four. La vepeur monte et envoie une odeur agréable dans la pièce.

Photo crédit mygraphx on Pixabay


Les légumes d’été font souvent l’unanimité ; tomates, poivrons, aubergine, courgette… d’autres tels que pomme de terre, potiron et chou s’y apprêtent aussi bien. On ne peut parler des farcis sans la farce. Là aussi, le choix est nombreux : viande de porc, d’agneau ou de bœuf, ou du bon reste de pot-au-feu et de poulet rôti. Certains y ajoutent du pain rassis ou du riz. Y mélanger un peu de fromage, du parmesan par exemple, est aussi une alternative gourmande. Quant au condiment, dans les farcis à la provençale, des herbes de Provence (mélange de thym, origan, romarin, sarriette etc.) apportent la saveur du soleil de cette région de lavanderaie.


Jacqueline, elle aussi, perpétue la recette de sa grand-mère. Elle choisit méticuleusement les tomates de grande taille, mûres mais encore assez fermes. Elle utilise de la viande de veau émincée et y mélange avec de la biscotte émiettée, ce qui donne une texture aérée à la farce, m’explique-t-elle. La cerise sur le gâteau est la couche de chapelure par-dessus des tomates farcies. Mélangée grossièrement avec du parmesan râpé et des herbes de Provence, une fois cuite au four, la chapelure devient alors croustillante. Rien que d’imaginer le contraste au juteux des tomates et la tendreté de la farce met l’eau à la bouche… Jacqueline suit alors la recette de sa grand-mère à la lettre et demande à Jean-Michel de faire ainsi puisqu’il est aux fourneaux avec ma mère qui prépare des champignons farcis vapeur.


Quatre champignons de Paris farcis, à la chinoise. Avec de fines rondelles de ciboulette parsemées dessus et le jus de cuisson dans l'assiette.

Photo crédit chotda on flickr


Le principe est presque le même. Vider le légume en question et y remplacer avec de la farce. Comme pour les farcis français, cette technique – appelée 酿 niang en Chinois – offre un large champ de créativité. Non seulement les légumes tels que poivron, aubergine, melon amer, racine de lotus, mais aussi des carrés de tofu peuvent se transformer en récipient à garnir. Pour créer des plats plus élaborés, les chefs travaillent aussi avec des œufs durs, des jaunes d’œuf (une technique extrêmement délicate qui permet de constater ce qu’un jaune d’œuf peut contenir), des ailes de poulet, des crabes, voire des poissons. En revanche, à la différence des farcis à la française, le mode de cuisson est plutôt à la vapeur, le braisage ou la friture.


Tout comme la recette de famille de Jacqueline, ma mère a également son secret pour avoir une farce de texture intéressante. Elle infuse d’abord des morceaux de gingembre et d’ail dans de l’eau tiède, puis intègre cette eau imprégnée d’arôme dans la viande hachée en mixant le tout pour une parfaite homogénéité. C’est la clef pour une farce tendre et aérée après la cuisson. Mais ce n’est pas tout. Elle y joint des châtaignes d’eau en brunoise, de fins éclats qui demeurent croquants après la cuisson. Avant de servir, elle y verse un filet d’huile de sésame et parsème de fines rondelles de ciboulette. C’est ainsi que la magie des champignons farcis s’opère, diffusant une odeur agréable telle qu’une invitation à se mettre à table, un appel si intense, difficile de résister.


A ce moment précis, le bip du four nous indique que les tomates farcies sont prêtes. Nous avons alors des tomates et des champignons farcis, à la française et chinoise. Ils sont si similaires et si différents à la fois. On ne sait lesquels préférer. Mais au-delà d’un sentiment d’ex aequo, c’est le bon souvenir de ces moments d’amitié qui est partagé dans la cuisine et à table.

 

Un peu de saveur savante


Qu’est-ce qu’une châtaigne d’eau ? C’est le bulbe d’une plante aquatique, qui a pour avantage d’apporter de la texture croquante sans altérer le goût d’un plat. La plante – eleocharis dulcis – est proche du papyrus (cyperus papyrus) dont est issue une forme de papier (servant de support d’écriture dans l’antiquité) portant le même nom. Cependant, la plante n’a aucun rapport avec la mâcre bicorne dont le fruit, comestible et riche en amidon, est dénommé châtaigne d’eau de façon équivoque.


En France, il est facile de trouver des châtaignes d’eau, congelées ou en conserve, dans les supermarchés asiatiques. Celles-là gardent aussi leur propriété croquante.


 

Et un dessert léger ?


Je ne saurais pas dire farcis en fārsī, qui n’est rien d’autre que le persan pour les Iraniens et les Afghans. Cela dit, ils cuisinent aussi des farcis (parce que c’est une excellente idée 😊). Voici une recette de Hami Sharafi détaillant des étapes pour réaliser des Delmeh Felfel – poivrons farcis à l’iranienne.


Pour cuisiner des farcis à la française, à part vos recettes de famille, voici une d'Anne-Sophie Pic, la cheffe la plus étoilée du monde, où elle dévoile le secret de sa mère pour de délicieuses tomates farcies.

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