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Le riz-confort

de la série - Tu l'aimes sucré, je l'aime salé


Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es.” Le célèbre gastronome Jean Anthelme Brillat-Savarin l’a déjà dit au début du 19ème siècle. Pas seulement sur de quoi on mange, cet aphorisme parle également du comment. L’assaisonnement, entre autres, exprime une part importante de nous-mêmes. Le même aliment / ingrédient / condiment, peut se retrouver dans un plat sucré ou salé ; cela marque alors parfois la limite entre deux cultures. Mais si on bouscule un peu cette limite, s’offriront alors des merveilles encore plus délicieuses.


Le riz au lait et le zhou (粥, plus connu sous le nom congee en anglais) sont tous deux à la base des grains de riz cuits dans un volume de liquide, ayant une texture plus ou moins dense. Le premier est un dessert alors que le deuxième un plat de résistance. Sucré ou salé, c’est du riz-confort.


Du riz au lait dressé sur un plat en artoise, sous forme de coeur. Des fruits rouges tels que framboises, myrtilles et mûres servent de décor.

Photo crédit provinzdesigner, Pixabay


Quant au riz au lait, un dessert de popularité incontestable en France, il est même hissé par certains comme leur madeleine de Proust dans ce pays de meilleures pâtisseries du monde. Il est drôle de constater que le consensus sur le riz au lait est que le meilleur est toujours chez soi ! Venant d’Asie, le riz au lait fut d’abord consommé salé au moyen âge. Il a alors pris du temps pour devenir une douceur de réconfort en France. Quand Auguste Escoffier – le roi des chefs et le chef des rois – l’a codifié en 1927 parmi toutes autres recettes de cuisine française dont les cinq sauces mères, ce dessert n’a point changé depuis, sauf accroître en popularité.


Ma rencontre avec ce dessert populaire était digne d’un choc culturel, ayant eu lieu peu après mon arrivée en France. C’était un repas de dimanche avec la famille de Nathalie. Nous avons apprécié l’entrée suivie d’un plat principal, tous deux bien garnis et goûteux, et puis un plateau fromage bien généreux. Au moment de prendre le dessert, toute la table était baignée d’un tel enthousiasme auquel j’avais un peu de mal à m’adhérer. Tout ce que je voyais était du riz, cuit dans du lait, des grains de riz visqueux et abondants, sans mentionner qu’il venait de sortir du frigo ! Pour la Chinoise que j’étais, le riz en grain était une garniture qui, consommée chaude, accompagnait parfaitement un plat en sauce comme le porc braisé au caramel. Inconcevable alors d’en avoir en plat sucré et froid. De plus, vu tout ce qu’on avait déjà mangé, la faim était la dernière chose qui pouvait décrire mon état physique.


Trois bols en terre cuite dans lesquels du riz au lait est servi. Des grains de chia et une tranche de banane servent de décor dans chaque bol.

Photo crédit Polina Tankilevitch, Pexel


Déjà confuse, j’entendais des commentaires autour de la table nourrissant une fois de plus mon embarras. "Oh j’ai toujours un deuxième estomac pour le dessert, surtout le riz au lait", "il est vraiment très bon, ça me rappelle celui de ma maman", "j’aime beaucoup cette texture, crémeuse et soyeuse", "regardez cette couleur ivoire, en parfaite harmonie avec le goût réconfortant", "le riz est parfaitement cuit, les grains sont intacts, mais ça fond dans la bouche"… Encore perplexe, j’en prenais une petite cuillère. En effet, ces grains crémeux et onctueux, tels une caresse sur mon esprit choqué, ont fait fondre tous mes doutes.


Depuis cette révélation, je n’arrêtais pas de faire des parallèles entre le riz au lait, français et le zhou (le congee), chinois, malgré leurs différences notables. En Chine, le zhou peut aussi bien se consommer au matin comme petit déjeuner que pendant les deux autres repas en tant que garniture. Sucré seulement occasionnellement, il est principalement salé ou nature. Dans la région de Shanghai, il est typiquement accompagné de petits bouchés salés tels que le tofu fermenté ou les pickles. Dans le sud, notamment dans la province du Canton (Guangdong), le zhou est une base de cuisson pour d’autres aliments, des légumes aux fruits de mer, comme un bouillon de fondue. Un repas de dim sum ne serait pas complet sans un bol de zhou bien soyeux, aux œufs de cent ans ou au poisson en fines tranches, ou encore à la chair de crabe pour une version plus noble.


Un grand bol de congee, baigné dans la lumière. Des feuilles de chou vert et quelques pièces de viandes sont visibles, le tout est encore chaud.

Photo crédit suziedepingu, Flickr


Le zhou a une texture plus ou moins dense. Si d’habitude, la proportion riz et eau en volume est de 1:1 pour une bonne cuisson de riz vapeur, le riz au lait français nécessiterait 500 ml de lait pour 100 g de riz ; le besoin en eau du zhou est encore plus important, de 6:1 pour les plus denses à 12:1 pour les plus fluides. De plus, comme le principe de base est simple, c’est-à-dire faire cuire du riz dans l’eau, chaque famille y apporte sa propre touche. Un bouillon de légumes ou de viande peut remplacer l’eau, d’autres légumineuses peuvent s’y ajouter en plus du riz… L’essentiel est de libérer l’amidon et de l’ajuster avec le volume d’eau afin d’atteindre la texture désirée.


Comme pour le riz au lait, chacun a sa recette de zhou familiale préférée et ses souvenirs d’enfance. Le mien est celui préparé par ma mère quand j’étais malade. Elle réalisait d’abord un zhou nature avec du riz blanc, de densité moyenne. Puis, elle y ajoutait des feuilles de pak choï, finement coupées, veillait sur une cuisson homogène jusqu’à obtenir des feuilles attendries sans qu’elles brunissent. Pour finir, elle l’assaisonnait avec un peu de sel et quelques gouttes d’huile de sésame. Cette couleur vert tendre dans un smoothie crémeux de riz blanc, accompagnée d’une odeur noisette pénétrante, ravissait tout de suite mon appétit. Pour moi qui préférais la farine de blé au riz, ce bol de velouté était la seule chose qui pouvait me réchauffer et réconforter.


Le riz au lait ou le zhou, tous deux du riz-confort, le goût est en effet là où se trouve le cœur.


Cela ravit vos papilles ?


Si une envie de comparer votre recette familiale avec le célèbre riz au lait des restaurants Paris la Régalade vous prend, à part y aller déguster, vous pouvez également appliquer la recette du chef Bruno Doucet à la maison. Ici une démonstration par François-Régis Gaudry.


Si votre estomac réclame plutôt la version salée de ce plat réconfortant, ici une recette de zhou au poulet élaborée par Fuschia Dunlop en anglais. En fraçais, dans cette vidéo, Chifan fait une démonstration de zhou (congee) de base (suivez la première étape) que vous pouvez agrémenter à votre guise.



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